Aller au contenu

Réhabiliter la consigne pour les plats, pourquoi ce choix ?

Chez OPUTAIN, on ose tout, avec un tel nom vous vous en doutiez, y compris réhabiliter la consigne et limiter le nombre de parts pour les plats et les gâteaux (un futur article). Comme on me pose souvent la question, je me suis dit qu’un long discours valait mieux qu’un dessin qui tronque souvent la profondeur du dessein. Ouais, on ose même faire des jeux de mots.

Je prends très au sérieux le slogan de OPUTAIN : « on essaye de faire du beau, du bon et du pas trop con ». Dedans, la partie « pas trop con » n’est pas là que pour la blague ou la provocation. Elle porte une philosophie très pragmatique pour essayer de créer une autre manière de manger, mais aussi une autre manière de fonctionner pour le cuisinier – entrepreneur et de manière plus large, pour l’humain que vous êtes et que je suis.

Car oui, le cuistot est un humain comme les autres, n’en déplaise aux serveurs. Alors je sais, c’est pas flagrant, mais les derniers témoignages des vétérans cuisiniers sont catégoriques. Bon, le pâtissier, on a encore des doutes, mais qui sait, un jour peut-être évoluera-t-il ?!

Je ne vais pas vous jouer de la flûte et vous raconter des sornettes, que ce soit dans le choix de réhabiliter la consigne1 sur les contenants ou sur celui de limiter le nombre de parts chaque semaine, et même dans le choix de ne pas ouvrir de restaurant « classique », le point de départ est toujours très concret et en lien avec des contraintes économiques. Au lieu de vouloir plier le monde à mon envie, de me presser ou de pester contre ces contraintes, j’ai choisi l’option de l’harmonie et donc d’utiliser la contrainte pour essayer de créer du différent.

On m’a donné plein de conseils pour faire comme les autres, pour faire ce qui se fait, ce qui est « normal ». Mais vous avez compris que ce chemin-là, même quand j’essaie de le suivre, je m’y fais des croque-en-jambes toute seule, et puis je préfère largement les croque-monsieur. Alors s’appeler OPUTAIN, faire le choix de réhabiliter la consigne ou de fixer un nombre de parts pour chaque plat ou gâteau ce sont des choix bizarres pour certains, pour moi c’est juste un pari, un essai pour créer autre chose de plus rigolo et peut-être moins « cono ».

Pourquoi réhabiliter la consigne sur les plats à emporter ?

Parce que le monde meurt littéralement sous les tonnes de déchets dues à une culture du jetable ? Oui un peu, c’est vrai qu’arriver à bouffer 5gr de plastique2 , l’équivalent d’une carte bleue, toutes les semaines ça me paraît complètement dingo, mais non, ce n’est pas pour ça.

Alors c’est parce que tu détestes aller te balader dans la campagne ou à la plage et voir des emballages de burger, des boîtes à pizza, des godets de fanta sprite coca traîner partout et pourrir des endroits super bucoliques ? Ça pourrait aussi, mais non, ce n’est toujours pas la raison principale.

Parce que tu veux rééduquer le consommateur zombifié en « consomme-acteur » conscient que chaque fois qu’il achète, consomme, utilise ça a des répercussions sur les autres et lui-même ? Franchement j’ai la tête d’une messie ou d’une geôlière de camp de rééducation ? Ça fait bien longtemps que j’ai compris que les gens sont routiniers, inconstants, impatients et qu’ils se croient au-dessus de tous et de tout. Non, mis à part leur faire peur, y a pas grand-chose qui marche pour les motiver à changer.

Alors pourquoi s’emmerder à réhabiliter la consigne ?

Haha ! Et bien pour deux raisons toute simples : D’un côté la tune que coûte c’est puta!n de consommable et de l’autre l’énorme gaspillage d’argent, de matière et d’énergie. D’ailleurs, au passage, tu oublis dans ta question le risque de perdre des clients. Et oui, qui dit consigne dit supplément d’argent à débourser, et ça, c’est en général rédhibitoire. Mais revenons aux deux raisons principales dans mon choix de réhabiliter la consigne.

L’aspect gaspillage

C’est le plus enfantin, le plus émotionnel, mais un cuisinier sans émotions ne fait pas de la bonne cuisine à mon avis. Preuve supplémentaire que le cuistot est un humain (vaguement) comme les autres. L’humaine et la cuisinière en moi détestent jeter, détestent gâcher, je suis née à côté de chez Guy Roux, alors « fo pas gâââcher ».

Dépenser de l’énergie, abattre des arbres, creuser des trous, re-dépenser de l’énergie pour incinérer ou recycler des trucs qui ne servent qu’entre 10 minutes et une heure, j’arrive pas à comprendre l’intérêt du truc.

Ça serait un peu comme faire 8 heures de cuisine, laisser refroidir mes préparations et aller tout mettre à la benne sous prétexte que c’est plus sympa de mettre des trucs jolis au composteur… Je ne suis pas contre le marketing mais y a sûrement moyen de faire joli, sobre et durable en même temps.

En plus, vraiment, ça me fend le coeur de connaître et de voir l’impact que ça a sur la santé de tout ce qui est vivant, depuis le moustique jusqu’à l’homo sapiens en passant par le tilleul, le maquereau et les perdreaux.

L’aspect financier

Pour moi, le premier moyen d’avoir de l’argent, devenir riche ce n’est pas pareil, c’est de ne pas en dépenser, logique de paysan bouseux, je sais, mais ils ne sont pas si cons. Donc moins tu consommes, dépenses de calories, d’énergie, de matières premières, moins tu dépenses d’argent. C’est sur cette base que réhabiliter la consigne me semble « moins con » à tous les niveaux.

Donc effectivement, sur du court terme, pour la même somme, tu auras 10, 20 ou 50 fois plus de contenant en jetable qu’en réutilisable. Mais si tu regardes sur une, deux ou trois années, c’est plus du tout aussi intéressant. Alors oui, choisir de réhabiliter la consigne ça crée une immobilisation de capital plus importante que choisir l’option des emballages jetables, mais l’immobilisation de capital c’est aussi une richesse.

Un peu de comptabilité. Je vais prendre comme référence pour le contenant réutilisable le site SOLIA.fr et pour les contenants jetables un produit équivalent parmi les 5 premiers grossistes donnés par google. L’intéressant, c’est les ordres de grandeur, pas le détail.

  • Réutilisable Bol thaï 700ml : 1€60/u + couvercle en PP 0.47/u – total 2€07/u et 207€/100
  • Jetable Bol japonais 700ml jetable : 0€60/u, couvercle inclus – total 0€60/u et 60€/100

Le choix semble évident. En faisant le choix du réutilisable, ça me coûte 4 fois plus cher. Mais ça, c’est sur du one shot, sur du court terme. Si tu calcules, par exemple, pour 10 bols par semaine sur 50 semaines d’activité (1 année).

  • JETABLE : 60€ toutes les 10 semaines = 300€ /an
  • REUTILISABLE : 207€ / an, durée de vie de 1 an (en vrai c’est plus) =…

C’est con, c’est des maths mais ça a le mérite d’être objectivable. Financièrement parlant, si tu as le capital à immobiliser et le lieu pour stocker les contenants, ben mettre en place une consigne te permet de dépenser moins d’argent. Qui plus est, c’est aussi un outil pour fidéliser la clientèle3. Ils ont investi 1, 2 ou 3€ dans une consigne, ils ont le plat sous la main, ils pensent à toi et s’ils sont venus une première fois en surmontant leur peur de la consigne et bien ils reviennent.

Alors peut-être que pour un snack ou équivalent c’est différent, mais dans le cas d’un restaurant « à emporter » ou d’un traiteur ça me semble intéressant, à vous de voir.

Oui mais la consigne c’est compliquée à gérer !

Sans vous mentir, je ne suis pas du tout une pro de l’organisation, j’ai un coach pour ça, je ne blague pas. Mais gérer une caisse à consigne, c’est du B-A-BA. Tu as une caisse vente cuisine et une caisse location consigne, point barre ! Oui mais les gens qui oublient de te ramener leur contenant ? C’est hyper simple : il repaye, et oui ! Croyez-moi, la fois suivante, miracle, ils ont pensé aux boîtes !

Pour le reste de la gestion c’est assez facile : tu mets tout dans le lave-vaisselle, il travaille pendant que tu vas faire un footing, en arrivant tu ranges tout et voilà c’est fini ! Grosse intendance ! Peut-être que si tu as 200 consignes par jour, il va te falloir embaucher, mais pour 20/40 consignes c’est easy.

Réhabiliter la consigne, des limites pragmatiques.

Le but n’est pas d’être vertueux ou exemplaire mais juste d’être « moins con ». Souvent le militantisme, quel qu’il soit, se pète la figure parce que les idéaux prennent le pas sur la réalité. Donc, il a fallu faire des choix et accepter de ne pas faire parfait, mais de faire du mieux que je peux à un moment donné.

Première limite : la pâtisserie. Ça existe les dessous de gâteaux réutilisables mais je me vois mal faire payer 1€ de consigne pour un castel à 5€ et surtout je sais que c’est typiquement le truc qui va finir à la poubelle ou que les gens vont oublier. Une assiette avec couvercle, un bol de 700 ml, tu le vois, il t’encombre, une petite lamelle de silicone non, elle disparaît et donc au final pollue plus qu’un carton doré lambda.

Idem pour les boîtes qui contiennent les gâteaux. Techniquement, il me faudrait des contenants réutilisables bas pour les tartes, hauts pour les entremets et tout ça en 20 – 24 et 28 cm de diamètre. Ingérable, donc je reste sur du carton le plus sobre possible et je mets un coup de tampon encreur dessus pour le « packaging marketing parking aqua-planning cockring ».

Seconde limite : les matériaux. Au départ je voulais que des contenants en verre. Un gentil monsieur m’a fait remarquer que c’était lourd et fragile pour la personne qui vient et emporte son plat pour le manger dehors ou au bureau. Sans parler des familles qui repartent avec 4 ou 5 assiettes. Ou alors je loue un diable en plus. J’ai résisté, j’ai insisté et au final j’ai échoué puisque cette semaine-là, j’ai cassé 2 plats en verre et une salière… la preuve par l’exemple et la confrontation idée – réalité.

Ok pas de verre, alors des trucs en métal, oui mais le métal ça passe moyen au micro-ondes, et je sais que vous avez des micro-ondeurs chez vous ! Je vous vois. Et puis le métal ça rouille, ça donne du goût et on ne peut pas dire que l’extraction minière soit une activité à haute valeur environnementale.

Du coup, ben du plastique alimentaire. Ce n’est pas cool, ça m’énerve, mais en choisissant du plastique recyclé et en faisant le ratio coût/durée de vie/ praticité/esthétique, ben voilà.

Réhabiliter la consigne alimentaire pour être « moins con ».

Comme je vous le disais en intro, le slogan de OPUTAIN c’est faire « du beau, du bon et du pas trop con ». Le beau et le bon c’est relativement subjectif, je fais de mon mieux en fonction de mes capacités mais le dernier aspect, le « pas trop con », lui est plus objectivable et pour moi réhabiliter la consigne alimentaire fait partie des trucs « pas trop con » qui factuellement ne demandent pas un effort énorme et impliquent le producteur, moi, et le « consomme-acteur », vous.

Mon choix d’annoncer un nombre restreint de parts pour chaque plat, ou de proposer un plat végétarien chaque semaine, font partie de cette même logique du « pas trop con » ou, à minima, du « moins con ». Mais je vous parlerai de ça en détail dans un autre post.

Et puis, en plus de tout ça, comme je suis assez suffisante, je vis hyper mal de bosser plus longtemps pour 1000 fois moins de durée qu’une puta!n de boîte carton.

Regardez la blague : je cuisine pendant 8 à 12h. Je mets votre commande dans une boîte en carton, un gobelet en amidon de bidule ou une box pétrolifère à 11h30. Vous rentrez chez vous et mettez mon veau marengo, mes lasagnes, ma soupe ou mes vol-au-vent à réchauffer. Vous jetez le contenant. Il est 12h30. Hop petite sieste, les parts sont copieuses. Puis vous digérez, riez, pleurez, bouquinez un truc sympa, ou pas etc. Le lendemain la digestion est finie, direction le trône… Fin définitive de mon travail.

  • Ma pomme : 9 mois de conception, 45 ans de construction, 8h de travail en cuisine pour, au max, 12 h de plaisir, digestion comprise + un peu de souvenir.
  • Le contenant : 5 secondes pour sa conception/fabrication – quelques semaines d’existence « à vide » – 1 heure à contenir des aliments, son travail pour de 1 à 400 ans4 de « digestion » + beaucoup de pollution

Perso, je trouve ça pas hyper logique et surtout hyper vexant.

Liens & infos autour de la consigne

Deux entreprises pour vos contenants alimentaire réutilisable : SOLIA chez qui j’ai pris mes assiettes, bols et autres pour les plats à emporter et GILAC pour ce qui est des bacs, contenants cotés production

  1. Le système de consigne comment ça marche ↩︎
  2. On mange 5 grammes de plastique par semaine en 2019 – lien Science & Avenir ↩︎
  3. Réhabiliter la consigne un élément du marketing – via emarketing ↩︎
  4. Durée de dégradation des emballages : carton non plastifié 1 an, 50 ans pour une box en polyuréthane alimentaire, 100 ans pour la canette ou la partie « enduite » du carton, 400 ans pour le sac plastique ↩︎
degradation-emballage-duree-de-vie-cycle-pollution

votre avis et commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.